Histoire
Le monastère est construit au viie siècle, initialement dédié à saint Pierre et saint Paul, puis au ixe siècle à saint Gilles, un ermite local. Ses reliques, conservées dans l'église abbatiale, en font un important lieu de pèlerinage sur la via tolosane vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
À la fin du xie siècle, sous l'influence du pape Grégoire VII, le monastère de Saint-Gilles est rattaché à Cluny. Il connaît, en ce temps-là, une période de grande prospérité. Cette protection et les reliques assurant de bons revenus à la communauté, un projet de construction d'une nouvelle église est alors lancé en 1116. Ce chantier se déroule essentiellement au xiie siècle, époque à laquelle est sculptée la façade, tandis que les derniers travaux ne sont achevés que bien plus tard (le transept au xive siècle et le clocher au xve siècle).
L'église, dévastée en 1562 par les huguenots, souffre des guerres de religion. Elle subit une restauration et une finition sommaire au xviie siècle mais son grand clocher-campanile abattu n'est pas relevé. La nef est raccourcie et abaissée, le chœur roman n'est pas relevé. Une nouvelle restauration plus générale de l'édifice a lieu entre 1842 et 1868 sous la direction deCharles Questel au cours de laquelle les deux entrées latérales de la grande façade sont débouchées et un large escalier aménagé sur le parvis.
Le tombeau de saint Gilles ne sera redécouvert qu'en 1865. Le pèlerinage, quant à lui, ne reprendra que plus tardivement, en1965.
Depuis 1998, la façade de l'abbatiale est inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO, au titre d'étape sur les chemins français de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Chronologie
462
Les Wisigoths sont maîtres de Narbonne. La Narbonnaise est alors une province du royaume wisigoth.
507
Les Wisigoths sont vaincus par les Francs à Vouillé. Les Francs sont alors maîtres du Toulousain. Le royaume wisigoth ne s'étend au nord des Pyrénées que sur l'ancienne Narbonnaise Première. Ce territoire va constituer la Septimanie qui regroupera les sept évêchés relevant de l'archevêché de Narbonne: Béziers, Carcassonne, Agde, Maguelone, Lodève, Nîmes et Elne.
587
Le roi wisigoth Reccared 1er [roi de 586 à 601] abandonne l'hérésie arienne pour devenir catholique.
ca. 640
D'après la légende Aegidius – saint Gilles – né à Athènes. La légende en fait un ermite, un abbé et un pieux voyageur. Il fait un voyage en Grèce, deux pèlerinages à Rome et séjourne à Orléans.
Le récit de sa vie sera faite dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine.
7ème siècle
Fondation probable d'un monastère sur un oppidum antique dominant le Petit-Rhône dédié aux apôtres Pierre et Paul.
711
Les Arabes débarquent en Espagne. La monarchie wisigoth d'Espagne est vaincue par les Arabes.
719
Les Arabes franchissent les Pyrénées.
720
Les Arabes s'installent à Narbonne.
721
Date de la mort d'un ermite local très vénéré, saint Gilles, enterré dans l'église du monastère. La légende attribuera, au 9ème siècle, la fondation du monastère à l'ermite.
725
La totalité de la Septimanie est conquise par les Arabes qui occupent alors l'île de Maguelone.
732
Des Musulmans conduits par Abdiraman franchissent la Garonne. Ils sont battus et arrêtés par Charles Martel [vers 688-741] à la bataille de Poitiers.
737
Charles Martel détruit le site de Maguelone au cours de la reconquête franque.
ca. 751
Naissance du wisigoth Witiza [751-11 février 821], fils d'Aigulf comte de Maguelone qui sera élevé à la cour de Pépin le Bref [715-roi en 752-768], où il rencontrera Guillaume de Gellone, avant de devenir moine sous le nom de Benoît d'Aniane.
752
Pépin le Bref s'approprie des villes en Septimanie: Nîmes, Maguelone, Agde, Béziers.
759
Prise de Narbonne par les Francs. Rattachement de la Septimanie au royaume franc.
814
Première texte mentionnant le monastère comme une cella (petit établissement monastique rural) appartenant à l'église de Nîmes.
878
Dans une lettre le pape Jean VIII [pape en 872-882] indique que le monastère a été acquis par le Pontife et placé en dépendance directe du Saint-Siège (probablement un faux).
904 et 911
Deux bulles désignent l'abbaye sous le nom de Saint-Pierre en Gothie.
925
Invention des reliques de saint Gilles. La légende qui commence à se construire à cette époque en fait le fondateur du monastère et celui qui l'offre au pape.
Alleu du Saint-Siège et possédant un privilège d'exemption accordé par le pape Benoît VII [†983], l'abbaye échappe à la tutelle de l'évêque de Nîmes.
La famille de Saint-Gilles possède la moitié de la ville. L'autre partie appartient à l'abbaye. Les comtes de Toulouse sont issus de la famille de Saint-Gilles. Il en résultera des conflits entre les moines et les comtes de Toulouse.
1030
Le roi Robert II le Pieux [vers 972-roi en 996-1031] visite l'abbaye de Saint-Gilles.
1066
Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse [1042-1105] et sa mère Almodis soumettent le monastère à l'abbé de Cluny, Hugues de Semur [1049-1109].
1076
L'abbé de Saint-Gilles est excommunié par le pape Grégoire VII [vers 1020-pape en 1073-1085]. Il décide que le nouvel abbé de Saint-Gilles doit être désigné par l'abbé de Cluny Hugues de Semur.
Les abbés vont alors décider de reconstruire l'église pour permettre l'accueil d'un nombre de plus en plus important de pèlerins.
1096
Le pape Urbain II [vers 1042-pape en 1088-1099] est de passage dans l'abbaye après avoir prêché la première Croisade au concile de Clermont-Ferrand en 1095. Il y consacre l'autel de la nouvelle basilique.
début du 12ème siècle
Un conflit éclate entre les moines et le comte de Toulouse qui veut exercer un droit de suzeraineté sur l'abbaye. Les travaux de construction de l'église sont interrompus.
Lundi de pâques avril 1116
Sur l'intervention du pape, l'abbé Hugues peu reprendre les travaux.
Le plan de l'abbatiale est modifié. L'église est conçue avec deux niveaux: une église basse ou crypte, contenant la confession où se trouve le tombeau de saint Gilles et une église haute se prolongeant vers l'est.
L'église basse est construite autour du tombeau du saint.
Pour utiliser au mieux la topographie du site, le tombeau du saint est situé sous les 4 premières travées de la nef.
1119
L'hérésie cathare est condamnée au concile de Toulouse. Pierre de Bruis, prédicateur cathare parcourt le pays et demande à ses disciples de brûler les croix.
1120
Nouveau conflit entre les moines et le comte de Toulouse Alphonse Ier-Jourdain [1102-1148].
1125
Fin de la nomination d'abbés de Saint-Gilles venant de l'abbaye de Cluny.
1132
L'abbé Pierre d'Anduze reprend les travaux de construction. Retour de l'abbaye dans l'obédience de Cluny.
Au cours de cette seconde campagne de travaux: fin de la construction de l'église basse et de la construction du chœur, réalisation de la façade occidentale et d'une grande partie de la nef.
1136
Pierre de Bruis, propagateur d'une hérésie proche des cathares est brûlé vif devant l'église de Saint-Gilles.
1139
L'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable [vers 1092-abbé de Cluny en 1122-1156], écrit le traité « Contre les hérétiques pétrobrusiens ».
1140
- 1160
La façade occidentale est construite, Elle peut être vue comme un manifeste des points essentiels de la doctrine catholique contre les thèses défendues par les prédicateurs cathares:
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dans la partie inférieure, les 12 apôtres témoins de l'enseignement et de la Passion du Christ qui sont les piliers de l'Eglise. Ils sont entourés par les archanges, défenseurs de l'Eglise.
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La frise supérieure, bande sculptée du récit de la Passion du Christ, de son entrée dans Jérusalem jusqu'à sa Résurrection.
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Les tympans des portails:
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à gauche, avec l'Adoration des Mages: l'Incarnation,
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à droite, avec la Crucifixion: la Rédemption,
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au centre: le Retour glorieux du Christ.
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Pour la réalisation des sculptures, plusieurs sculpteurs ont travaillé sur la façade:
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Brunus réalise les statues des apôtres Matthieu Barthélemy, Paul, Jean, Jacques le Majeur. Il en signe deux «Brunus me fecit»
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Le Maître de saint Thomas auquel on attribue les statues des apôtres Thomas, Jacques le Mineur et Pierre, ainsi que les bas-reliefs de la porte centrale (Offrande d'Abel et Caïn, Meurtre d'Abel),
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Le « Soft master » (le maître aux drapés souples) ou maître de l'Adoration des Mages auquel on attribue le tympan du portail de gauche et deux apôtres,
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Le « Hard master » ou maître de la Crucifixion auquel on attribue le tympan du portail de droite et son linteau,
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Le maître de Saint-Michel qui a réalisé la statue de saint Michel terrassant le dragon ainsi que la frise supérieure et le tympan de la porte centrale.
La façade de l'abbaye de Saint-Gilles montre l'influence de l'art antique et paléochrétien sur la sculpture romane du Languedoc.
1145
- 1147
Bernard de Clairvaux – saint Bernard – parcourt le Languedoc en prêchant contre les cathares.
1154
Le pape accorde une indulgence aux pèlerins qui visitent le tombeau. Le pèlerinage devient très populaire. L'abbaye est une étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Le port de Saint-Gilles est très actif.
1162
Les problèmes financiers apparus dans la gestion de l'abbaye de Cluny après la construction de l'abbatiale Cluny III vont entraîner des dissensions internes et affaiblir l'ordre de Cluny. L'abbaye de Saint-Gilles retrouve son indépendance.
1179
Fin des travaux.
Le pape confirme l'accord entre les abbayes de Cluny et de Saint-Gilles mettant fin à la tutelle de l'abbaye de Cluny sur l'abbaye de Saint-Gilles.
1179
- 1185
Une guerre entre le comte de Toulouse Raymond V [vers 1134-1194], le roi d'Aragon et l'évêque de Nîmes entraîne l'arrêt des travaux.
1185
- 1209
Dernière campagne de construction de l'église.
14 janvier 1208
Meurtre de Pierre de Castelnau, légat du pape aux portes de Saint-Gilles par un écuyer du comte de Toulouse. Il était chanoine et archidiacre de Maguelone. Ce meurtre précipite le déclenchement de la croisade contre les Albigeois. L'évêque et les chanoines soutiennent l'orthodoxie contre les Cathares.
Pierre de Castelnau est enterré dans l'église basse de l'abbaye de Saint-Gilles.
Le pape Innocent III [1160-pape en 1198-1216] lance l'anathème contre le comte de Toulouse Raymond VI.
1209
Le pape Innocent III lance la croisade contre les Albigeois et le comte de Toulouse.
18 juin 1209
Raymond VI de Toulouse [†1222] se présente en braies et en chemise devant les portes de l'église. Il fait alors amende honorable et jure obéissance au pape et de se joindre à la croisade contre les Albigeois. Puis passant par l'église basse, il est flagellé nu devant le tombeau de Pierre de Castelnau.
1226
Début de la croisade royale contre les Albigeois et le comte de Toulouse Raymond VII [1197-1249] sous la direction du roi de France Louis VIII [1187-roi en 1223-1226]. L'abbaye est alors soumise au roi de France.
La construction de l'église va progressivement reprendre.
12 avril 1229
Après des discussions à Meaux en janvier, signature du Traité de Paris entre Raymond VII et le roi de France Louis IX [1214-roi en 1226-1270]. Il ne reste au comte de Toulouse que Toulouse et des seigneuries du Haut-Languedoc. Le roi de France annexe les seigneuries de l'est du Languedoc près du Rhône. La fille unique du comte Jeanne doit être mariée à un frère du roi, Alphonse de Poitiers.
1244
Début de la construction du port et des remparts d'Aigues-Mortes pour permettre le départ de la croisade. Le développement du port d'Aigues-Mortes va entraîner la diminution rapide du commerce transitant par le port de Saint-Gilles et la baisse des revenus de l'abbaye.
1249
A la mort de Raymond VII, Jeanne de Toulouse hérite du comté de Toulouse. Elle est mariée à Alphonse de Poitiers frère du roi de France Louis IX.
1254
Le roi de France Louis IX, saint Louis, visite l'église.
1265
Les moines passent un contrat avec l'architecte Martin de Lonay.
Le pape Clément IV [†1268], Guy Foulques, né à Saint-Gilles, accorde des indulgences aux pèlerins qui aideraient la fabrique de l'église.
1270
Seconde visite du roi Louis IX à Saint-Gilles avant son départ pour la 8ème croisade au cours de laquelle il meurt.
1271
Après la mort de Jeanne de Toulouse et de son mari Alphonse de Poitiers sans enfant, le roi de France hérite du comté de Toulouse.
14ème siècle
Fin de la construction de l'église: jonction entre le chœur et la nef.
1417
Le clocher n'est pas achevé.
1506
Le pape Jules II [1443-pape en 1503-1513], ancien abbé de Saint-Gilles, accorde des indulgences aux pèlerins qui contribuent à l'achèvement de l'église.
1538
Sécularisation de l'abbaye de Saint-Gilles. Le pape Paul III [1468-pape en 1534-1549] transforme l'abbaye en collégiale.
1562
L'abbaye est occupée par les Protestants. La façade est mutilée. L'abbaye est incendiée, provoquant l'effondrement des voûtes.
15 septembre 1562
Un incendie détruit la bibliothèque et les archives ce qui entraîne la chute des voûtes de la nef et mutile le clocher de l'abbatiale.
1574
- 1622
L'église est de nouveau occupée par les Protestants. Elle est transformée en forteresse.
1622
Le duc de Rohan, chef du parti protestant, donne l'ordre de détruire l'abbaye. L'arrivée de troupes royales permet que la façade soit épargnée. Le Chœur n'existe plus à l'exception de l'escalier nord du transept, la vis de Saint-Gilles.
1643
Premiers graffitis laissés par des Compagnons sur la vis de Saint-Gilles au cours de leur visite.
1650
- 1655
Reconstruction partielle de l'église: les maçons réutilisent les murs latéraux et les piliers des nefs. Les voûtes sont refaites.
Construction au-dessus de la façade romane d'un mur et du clocher.
Réalisation d'un escalier avec perron semi-circulaire devant la façade.
1665
Restauration de la façade. Le tympan central est refait sommairement.
après 1790
Les vestiges du chœur de l'abbaye ont à souffrir de la Révolution. Un habitant impose de conserver intact la vis de Saint-Gilles.
1842
- 1868
Restauration de la façade et construction du grand escalier situé à l'avant de l'église.
Les escaliers permettant l'entrée dans l'église sont refaits.
1865
Redécouverte du tombeau et du corps de saint Gilles dans l'église basse.
Travaux de restauration de l'église basse.