La façade
À l'instar d'autres édifices religieux romans, la façade de l'abbaye de Saint-Gilles peut être considérée comme un véritable « livre de pierre » à destination des fidèles, souvent illettrés à l'époque de son édification. Réalisée par les moines de l’abbaye entre 1120 et 1160 (40 ans de travaux à elle seule), la façade demeure un chef-d’œuvre reconnu d’art roman provençal et ce malgré ses nombreuses détériorations2.
Elle offre un programme riche et varié :
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Registre inférieur : bestiaire, nombreuses scènes de l’Ancien testament.
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Registre médian : statues et personnages du Nouveau testament.
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Frise : scènes inspirées du Nouveau testament (lavement des pieds du Christ).
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Tympans : chacun d'entre eux retrace une étape majeure de la vie du Christ (adoration des mages, crucifixion, majesté).
Les éléments architecturaux de décoration sont quant à eux inspirés de l’art antique : chapiteaux corinthiens, soubassement cannelé, oves et centaures…
Une colonne à l'extérieur
Notons que la complexité de cette façade réside essentiellement dans la multiplicité de ses inspirations (romane, antique, orientale). Son ordonnance générale est d'ailleurs largement inspirée, dans son rythme général, des arcs de triomphe romains présents dans la région. Cela est le cas également et notamment pour Saint-Trophime d'Arles entre autres. Signalons enfin que toute la partie haute de cette façade qui devait présenter un décor classique d'arcatures a hélas disparu. Le pignon actuel de la nef centrale, le seul émergeant aujourd'hui de la façade basse, mesure 10 m de moins que l'original tout comme les bas côtés dont la présence n'est plus lisible.
Les pentures et heurtoirs des trois portails ont été réalisées 3 entre 1845 et 1846 sous la direction de l'architecte Charles-Auguste Questelpar le ferronnier Pierre Boulanger auteur des remarquables pentures du portail central de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L'actuel clocher, bien plus modeste que le précédent, a été aménagé au xviie siècle au sein d'une petite tour, au sud de la façade. Il est surmonté d'un gracieux campanile en fer forgé.
LE LAPIN DE SAINT-GILLES
Cette petite sculpture orne, près du portail central, la façade de l’église.
Dans un fin rinceau de feuillages, le lapin grimpe allègrement. Sa silhouette est recherchée par les touristes toute l’année. Quant aux saint-gillois, des enfants aux aînés, même s’ils ne s’intéressent pas « aux cailloux », ils connaissent son existence.
Or cet animal est lié aux compagnons, ces meilleurs ouvriers de France qui s’attachent à la belle ouvrage, au travail bien fait. Depuis le moyen âge à notre époque, ils servent comme le disait joliment George SAND « La chevalerie du travail ».
Chez ces compagnons, le jeune apprenti est « un lapin », car disait le célèbre Agricol Perdiguier dit « Avignonnais la Vertu » qui décrivit le monde du compagnonnage au 19 e siècle, le lapin est le plus faible et le moins intelligent : faible, il mérite aide et protection, moins intelligent par ce que nouveau dans le savoir et le savoir-faire.
Dans Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll place le sympathique lapin blanc sur le chemin du rêve, choisi par Alice pour lui montrer l’entrée.
Dans la traduction des alchimistes du moyen âge, le lapin blanc intervenait aussi pour réaliser « le grand-oeuvre ». le jeune compagnon « le lapin » en cherchant son chemin doit découvrir des « signes » : « la grenouille » sculptée dans le bénitier de Narbonne, la chouette de Notre-dame de Dijon, le lapin de l’église Saint-Jean à Caen et à Saint-Gilles.
Après avoir admiré et étudié la vis et son fabuleux escalier, il salue le lapin, rapide, libre comme l’air, et qui depuis le moyen âge lui ouvre la route du voyage à la fois technique et initiatique « le tour de France », pour devenir enfin un maître.
Par Marie-Françoise GRIFFEUILLE
Conservateur au Musée de la Maison Romane


